IF - Rudyard Kipling

Publié le par Etarcos

Traduction de Jules Castier, qui,  moins "jolie" que celle à tort attribuée à Eluard (mais en fait d'André Maurois), n'en est pas moins plus proche de l'originale. Quand, parfois, la forme travestit le fond...

   Si tu peux rester calme alors que, sur ta route,
   Un chacun perd la tête, et met le blâme en toi ;
   Si tu gardes confiance alors que chacun doute,
   Mais sans leur en vouloir de leur manque de foi ;
   Si l'attente, pour toi, ne cause trop grand-peine :
   Si, entendant mentir, toi-même tu ne mens,
   Ou si, étant haï, tu ignores la haine,
   Sans avoir l'air trop bon ni parler trop sagement ;

   Si tu rêves, - sans faire des rêves ton pilastre ;
   Si tu penses, - sans faire de penser toute leçon ;
   Si tu sais rencontrer Triomphe ou bien Désastre,
   Et traiter ces trompeurs de la même façon ;
   Si tu peux supporter tes vérités bien nettes
   Tordues par des coquins pour mieux duper les sots,
   Ou voir tout ce qui fut ton but brisé en miettes,
   Et te baisser, pour prendre et trier les morceaux ;

   Si tu peux faire un tas de tous tes gains suprêmes
   Et le risquer à pile ou face, - en un seul coup -
   Et perdre - et repartir comme à tes débuts mêmes,
   Sans murmurer un mot de ta perte au va-tout ;
   Si tu forces ton cœur, tes nerfs, et ton jarret
   À servir à tes fins malgré leur abandon,
   Et que tu tiennes bon quand tout vient à l'arrêt,
   Hormis la Volonté qui ordonne : « Tiens bon ! »

   Si tu vas dans la foule sans orgueil à tout rompre,
   Ou frayes avec les rois sans te croire un héros ;
   Si l'ami ni l'ennemi ne peuvent te corrompre ;
   Si tout homme, pour toi, compte, mais nul par trop ;
   Si tu sais bien remplir chaque minute implacable
   De soixante secondes de chemins accomplis,
   À toi sera la Terre et son bien délectable,
   Et, - bien mieux - tu sera un Homme, mon fils.

Publié dans Poésies

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